top of page
Rechercher

L’obligation de transmission dématérialisée des offres face à l’inconstance numérique

  • garreauavocat
  • 25 nov. 2021
  • 7 min de lecture

Par un arrêt du 23 septembre 2021 (Conseil d’Etat, 7ème – 2ème Chambre réunies, 23 septembre 2021, RATP, n° 449250 mentionné aux tables du recueil Lebon) la Haute Juridiction s’est prononcée sur la recevabilité des offres dématérialisée dans le cadre d’un accord-cadre passé sous l’empire du Code de la Commande publique.


Le droit des marchés publics n’échappe pas à la numérisation de nos sociétés. Le caractère obligatoire de la dématérialisation des procédures présente cependant un caractère récent dont l’objet est de simplifier, sécuriser et accélérer les procédures, de faciliter l’accès des entreprises à la commande publique, et de garantir la transparence des échanges.


Si ces objectifs sont louables, les procédures dématérialisées se heurtent parfois à la réalité de l’inconstance numérique.


Tel est le cas dans l’affaire susvisée.


En effet, par un avis d'appel public à la concurrence publié le 25 novembre 2019, la Régie autonome des transports parisiens (RATP) avait lancé une procédure négociée de passation d'un accord-cadre multi attributaire à marchés subséquents relatif à la " fourniture d'autobus électriques standards (12 m) ", sans montant minimum et avec un montant maximum de 825 000 000 euros.


La société Alstom-Aptis avait souhaité candidater, mais avait dû faire face à une difficulté inattendue : le dysfonctionnement de la plateforme de dépôt des offres mise en œuvre par la RATP, lequel avait empêché le soumissionnaire de déposer son offre dans le délai requis par le règlement de la consultation.


Par un courrier en date du 17 décembre 2020, la RATP avait donc rejeté l'offre de la société Alstom-Aptis au motif de sa tardiveté.


La société Alstom-Aptis avait, alors, saisi le juge des référés du Tribunal Administratif de Paris d’un référé suspension, aux fins de contester la décision de rejet de son offre.


Par une ordonnance du 15 janvier 2021, le juge des référés a suspendu cette décision et enjoint à la RATP, si elle entendait poursuivre la procédure de passation du marché, de la reprendre au stade de l'analyse des offres en intégrant l'offre de cette société.


Le Conseil d’Etat saisi de l’affaire par la RATP, a donc dû se prononcer sur la recevabilité d’une offre tardive en raison d’un dysfonctionnement informatique (I) et alors même que le candidat n’avait pas utilisé la faculté de déposer une copie de sauvegarde auprès du pouvoir adjudicateur, dans les délais (II).



I/ SUR LA RECEVABILITE D’UNE OFFRE TARDIVE EN CAS DE DEFAILLANCE DE LA PLATEFORME DE DEPOT DEMATERIALISES


Evolution récente, la dématérialisation des procédures de mise en concurrence est devenue obligatoire dès le 1er octobre 2018.


La dématérialisation, qui est un des enjeux majeurs de la réforme européenne de la commande publique transposée par l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 et le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics et par l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 et le décret n° 2016-86 du 1er février 2016 relatifs aux contrats de concession, s’impose essentiellement au stade de la passation, avec la mise à disposition électronique des documents de la consultation et des communications et échanges d’informations qui reposent sur l’utilisation d’un profil d’acheteur.


Le Code de la Commande publique, entré en vigueur au 1er avril 2019, a repris cette obligation.


Ainsi, l’article R 2132-7 du Code de la Commande publique dispose désormais que :


« Sous réserve des dispositions des articles R. 2132-11 à R. 2132-13, les communications et les échanges d'informations lors de la passation d'un marché en application du présent livre ont lieu par voie électronique. »


Des exceptions existent cependant pour certains marchés ou en raison de spécificités techniques particulières (article R. 2132-12 du code de la Commande publique).


Reste cependant qu’en pratique, des dysfonctionnements informatiques existent, lesquels peuvent s’avérer dramatiques lorsqu’ils surgissent dans un délai proche de la date limite de réception des offres, ce qui n’est pas un cas isolé.


Dans la logique du droit de la commande publique, et de manière très ancienne, l’offre reçue tardivement doit être écartée


Il s’agissait jusqu’à présent d’une règle d’or connaissant peu d’exceptions.


Ainsi, dans une affaire similaire, le juge des référés du Tribunal Administratif de Dijon (TA Dijon, 28 décembre 2018, n° 1803328, Sté Numéricarchive) avait pu valider le rejet par le pouvoir adjudicateur, d’une offre parvenue avec un retard de 25 secondes sur l’heure limite indiquée par le règlement de la consultation.

Dans cette affaire, le département de la Côte-d'Or avait lancé une consultation en vue de la passation d'un marché public pour l'acquisition de postes de travail informatiques. La date et l'heure limite de remise des offres étaient fixées au 15 novembre 2018 à 17h00, or l'offre de la société Numericarchive était parvenue le 15 novembre 2018 à 17:00:25, donc hors délai.


Le département a éliminé l’offre du soumissionnaire sur le fondement de l'article 43-IV du décret du 25 mars 2016, qui disposait que « Les candidatures et les offres reçues hors délai sont éliminées » et dont les dispositions se retrouvent désormais à l'article R. 2151-5 du code de la commande publique.

Il est intéressant de constater que le juge des référés avait, dans cette précédentes affaire, écarté l’argument selon lequel « certaines plateformes utilisées par d'autres pouvoirs adjudicateurs ne décomptent pas les secondes » ; ceci étant sans incidence sur le caractère tardif de la remise de l’offre.


Dans cette précédente affaire, le soumissionnaire n’invoquait cependant pas de dysfonctionnement de la plateforme de remise des offres dématérialisée, comme c’est le cas en l’espèce.

Si le respect du règlement de la consultation s’impose comme une garantie des règles de transparence et de mis en concurrence, le Conseil d’Etat a adopté, dans l’arrêt « RATP », une approche pragmatique et bienvenue.

La Haute juridiction a, en effet, jugé que :

« 4. En premier lieu, en constatant, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, d'une part, que l'impossibilité pour la société Alstom-Aptis de transmettre son offre dématérialisée dans le délai imparti n'était imputable ni à son équipement informatique, ni à une faute ou une négligence de sa part dans le téléchargement des documents constituant son offre et, d'autre part, que la RATP n'établissait pas le bon fonctionnement de sa plateforme de dépôt et en déduisant de ce constat que la tardiveté de la remise de l'offre de la société Alstom-Aptis était imputable à un dysfonctionnement de cette plateforme qui faisait obstacle à ce que la RATP écarte cette offre comme tardive, le juge des référés n'a commis aucune erreur de droit. »

Ainsi donc, le Conseil d’Etat admet qu’une offre parvenue hors délai soit recevable, mais il impose, d’une part que le candidat apporte la preuve que son matériel informatique n’a pas été à l’origine du retard, ou que ce retard n’est pas imputable à une faute de sa part ou une négligence.

Le Conseil d’Etat aurait pu retenir l’imprudence du candidat alors que celui-ci avait déposé son offre au dernier moment. Mais l’approche bienveillante retenue par la Haute Juridiction s’explique par une volonté de ne pas écarter de la compétition les grandes entreprises qui répondent de manière intensive à de multiples appels d’offres sur le territoire et sont tributaires de la réactivité des personnes chargées de la préparation de la réponse en amont.

De même, reprocher au candidat de ne pas bénéficier de l’atout principal de la dématérialisation des procédures, que constitue l’immédiateté de la transmission de l’offre, eut été paradoxal et contre-productif.

Parallèlement, le Conseil d’Etat instaure une obligation pour le pouvoir adjudicateur d’avoir à rapporter la preuve de ce que sa plateforme de dépôt n’a pas connu de dysfonctionnement.

L’instauration de cette obligation est salutaire, car dans ce type d’affaire, le soumissionnaire se trouve régulièrement confronté à la difficulté de démontrer la défaillance technique de la plateforme de remise des offres, sur laquelle il n’a aucun contrôle.

II/ sur le caractère facultatif du dépôt d’un dossier de sauvegarde papier

En défense, la RATP plaidait la négligence ou l’imprudence du candidat qui, au regard des circonstances, n’avait pas déposé, dans le délai imparti, un dossier de sauvegarde papier auprès du pouvoir adjudicateur.

En effet, l’article R 2232-11 du Code de la Commande publique dispose que :

« Les candidats et soumissionnaires qui transmettent leurs documents par voie électronique peuvent adresser à l'acheteur, sur support papier ou sur support physique électronique, une copie de sauvegarde de ces documents établie selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'économie, annexé au présent code. »


l’article 2 Arrêté du 22 mars 2019 fixant les modalités de mise à disposition des documents de la consultation et de la copie de sauvegarde (NOR: ECOM1831545A, JORF n°0077 du 31 mars 2019 - texte n° 15) dispose que :

« I. - Le candidat ou le soumissionnaire peut faire parvenir une copie de sauvegarde dans les délais impartis pour la remise des candidatures ou des offres.

La copie de sauvegarde transmise à l’acheteur ou l’autorité concédante sur support papier ou sur support physique électronique doit être placée dans un pli comportant la mention « copie de sauvegarde ».

II. - La copie de sauvegarde est ouverte dans les cas suivants :

1° Lorsqu’un programme informatique malveillant est détecté dans les candidatures ou les offres transmises par voie électronique. La trace de cette malveillance est conservée ;

2° Lorsqu’une candidature ou une offre électronique est reçue de façon incomplète, hors délais ou n’a pu être ouverte, sous réserve que la transmission de la candidature ou de l’offre électronique ait commencé avant la clôture de la remise des candidatures ou des offres…. »

Le Conseil d’Etat n’a cependant pas retenu le moyen opposé par la RATP, estimant que celui-ci aurait eu pour conséquence de donner un caractère contraignant et susceptible de sanction, à une simple faculté ouverte par le texte susvisé.

En tout état de cause, au cas d’espèce, la copie de sauvegarde n’aurait pu être ouverte par le pouvoir adjudicateur, le candidat n’ayant pas pu commencer à télétransmettre son offre avant la clôture de la remise des candidatures, la plateforme étant totalement défaillante.

Le Conseil d’Etat estime donc que :

« 5. En second lieu, le juge des référés n'a pas commis d'erreur de droit en ne tenant pas compte, dans son appréciation d'une éventuelle négligence de la société Alstom-Aptis, de l'absence de dépôt par cette société d'une copie de sauvegarde des documents transmis, dès lors que la transmission d'une copie de sauvegarde des documents transmis par voie électronique est une simple faculté ouverte aux candidats et soumissionnaires en application de l'article R. 2132-11 du code de la commande publique, et que l'absence d'un tel dépôt n'était pas à elle seule de nature à établir l'existence d'une négligence de la société. »

Comments


Post: Blog2_Post

06.20.85.42.60

Parc KENNEDY, Bât. A1, 285 Rue Gilles ROBERVAL, 30900 NIMES

  • Facebook
  • Twitter
  • LinkedIn

©2021 par Maître Olivier GARREAU. Créé avec Wix.com

bottom of page